Comment devenir premier ministre du Québec

Branding / Image
Pour le meilleur et pour le pire, les partis politiques ont maintenant recours aux services de professionnels de l’image et de la communication. Ces conseillers font souvent la différence entre une victoire ou une défaite, le jour du scrutin.

Voici pour l’essentiel, les 10 conseils en or que les spécialistes du marketing politique donnent aux partis et à leurs candidats.

1. Évaluez votre image et corrigez le tir au besoin
L’image d’un politicien dépend de plusieurs facteurs : son passé, ses réalisations, son âge, sa taille, son apparence physique, sa tenue vestimentaire, sa façon de s’exprimer, ses manières et, bien sûr, son appartenance politique.
En d’autres mots, au-delà des grands discours et des programmes de partis, la politique est devenue une scène de théâtre, ou si vous aimez mieux, un spectacle. C’est désolant mais c’est comme ça.

2. Faites des promesses
Malgré ce qu’on pourrait penser, les études révèlent que les discours et les déclarations politiques qui obtiennent les meilleurs résultats sont encore ceux qui promettent des avantages aux électeurs.
Quand Kim Campbell a débuté sa campagne électorale en 1993, elle a pris soin de mentionner que les finances publiques ne l’autorisaient pas à faire des promesses spectaculaires. 

À ce moment précis, madame Campbell figurait relativement bien dans les sondages d’opinions. Au lieu de la remercier de sa franchise, les électeurs se sont révoltés. Quelques semaines plus tard, elle subissait une raclée aux élections fédérales.

Bien sûr, il faut s’assurer que les promesses faites durant la campagne soient importantes aux yeux des électeurs. Si ce sont les questions de corruption qui intéressent les gens, promettez de « faire le ménage ». Si au contraire la santé tracasse les électeurs, promettez de l’argent dans le domaine de la santé.
À ce niveau, la stratégie actuelle du Parti libéral s’inspire énormément de la stratégie conservatrice durant la dernière élection fédérale : une promesse par jour, faite généralement tôt le matin, afin d’occuper le maximum de temps dans les médias.
3. Soignez vos relations avec la presse
Comme le suggère les observations de mon collègue Jean-François Dumas d’Influence Communication, la presse et le petit écran jouent un rôle dans la dynamique du vote.
Blumler et McQuail ont découvert que les citoyens les moins intéressés à la politique sont très sensibles à la télévision et à la « vedettarisation ». Pour cette raison, multipliez vos passages dans les émissions et les magazines grand public.
À l’ère des chaînes de nouvelles continues, des téléphones intelligents et des médias sociaux, apprenez à répondre rapidement aux critiques de vos adversaires.
 

Quand il n’y avait que deux ou trois chaînes de télévision, vous pouviez vous permettre d’attendre une ou deux journées avant de répondre à vos adversaires. Mais dans la jungle médiatique d’aujourd’hui, cela n’est plus possible.
Enfin, il faut absolument maîtriser l’art du « clip TV », c’est-à-dire cette qualité qu’ont certaines personnes de résumer, en quelques secondes et en quelques mots, un problème apparemment complexe. Le clip de 15 ou de 20 secondes est une condition sine qua non pour communiquer efficacement dans le cadre des bulletins de nouvelles en soirée.
4. Jouez à la fois sur la raison et sur les émotions
Au Québec, les discours, les déclarations et les photos qui reposent sur une bonne dose de sentiments marchent généralement très bien. Mais les électeurs ont aussi besoin d’excuses rationnelles pour justifier et asseoir leur vote.
5. Concentrez-vous sur les indécis
Dans une lutte à trois comme c’est le cas dans la présente campagne, la différence entre une victoire et une défaite réside dans la capacité qu’a un chef de parti de séduire les mous et les indécis.
Les « branleurs dans le manche » ont le profil suivant : ils s’intéressent peu à la politique, ils regardent beaucoup la télévision et ils sont très sensibles aux campagnes de dénigrement (publicité négative). Ils regardent aussi le débat des chefs pendant une quinzaine de minutes.
En début de campagne, ils composent parfois jusqu’à 30 % de l’électorat. Et le jour de l’élection, ils font souvent pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.
6. Personnalisez votre discours
Que ce soit à la télévision ou en personne, regardez vos électeurs dans les yeux. Adressez-vous directement à eux sur le ton du « vous » et du « je ». Au besoin, recourez à l’histoire ou à l’anecdote pour étayer votre propos.
Lorsque Kennedy a gagné son débat contre Nixon en 1960, il ne s’adressait pas à son adversaire, il parlait directement à la caméra. Nixon, au contraire, s’acharnait à contredire Kennedy et semblait moins soucieux de s’adresser directement aux électeurs.
7. Simplifiez à l’excès
N’expliquez pas pourquoi il faut parfois attendre à l’urgence, efforcez-vous plutôt de donner l’image de celui qui est le plus apte à comprendre et à résoudre le problème. Il ne faut pas stimuler la pensée de l’électeur ; il faut l’assister.
Employez le langage de tous les jours. Les mots courants et les expressions populaires sont meilleurs que les mots rares, et les mots courts sont préférables aux mots longs. 
Citez des chiffres précis. La phrase « notre gouvernement a créé 100 000 emplois » est plus persuasive que « nous avons créé des milliers d’emplois. »

Enfin, soyez vigoureux. Le débit doit être de 130 à 150 mots à la minute. Au-dessus de ce seuil, la vitesse d’élocution entravera la bonne compréhension de votre message. En-dessous, les silences trop fréquents ennuieront votre audience.
8. Axez votre campagne sur un thème central
Exploitez la différence qui distingue votre parti de ses concurrents et le fera préférer le jour du scrutin. Rosser Reeves, le premier conseiller politique de l’histoire moderne, maintient que tout candidat doit proposer à l’électorat un argument unique, celui que les autres candidats ne peuvent pas offrir. 

Des exemples récents d’arguments uniques : la souveraineté, la réingénierie de l’État, le libre-échange, la corruption, etc.

9. Faites de la publicité et du Web
La publicité et le Web (sites, médias sociaux, sites de réseautage, etc.) jouent un rôle important dans les campagnes électorales.

La publicité permet aux partis de s’adresser directement aux électeurs sans passer par le filtre des journalistes. Ce faisant, la publicité politique avec ses slogans, ses affiches et ses spots TV contribue à façonner l’image que nous avons de chacun des chefs. 

À cet égard, la publicité négative du Parti libéral mettant en scène Pauline Marois en prélude à la campagne actuelle est un exemple de publicité politique servant à définir l’adversaire avant le début officiel des hostilités.

Quant au Web, comme l’a montré avec brio Barack Obama en 2008, les partis doivent désormais se positionner sur les médias sociaux. Mine de rien, cela implique un changement d’approche fondamental en communication politique : communication bidirectionnelle et non unidirectionnelle. J’y reviendrai dans un prochain billet
.

10. Un dernier conseil : préparez-vous sérieusement au débat des chefs
Depuis quelque temps, le débat constitue souvent la pièce de résistance de la plupart des campagnes politiques. 

De nos jours, le débat a remplacé les assemblées. Il renforce l’identification et il peut faire toute la différence, spécialement dans le cas d’une campagne en plein milieu de l’été, comme c’est la cas ici, avec en prime 4 débats et autant de chances de glisser sur une peau de banane. 

Pour un, si Madame Marois veut devenir première ministre, elle devra donner la performance de sa carrière lorsqu’elle affrontera Monsieur Legault à l’antenne de TVA (débat un contre un).