Le marketing Fifty Shades of Grey

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À l’occasion du lancement très attendu du film Fifty Shades of Grey (Cinquante nuances de Grey, en français) de l’auteure E.L. James sur les écrans durant la fin de semaine de la Saint-Valentin, il m’apparaît opportun de se pencher sur le marketing de ce film inspiré des romans du même nom.

La marque Fifty Shades of Grey regroupe trois romans soft porn (certains diraient «mommy porn») écrits par une Britanique, E.L. James, une fan de Twilight.

À l’origine, l’auteure alimente internet de ses histoires. Elle construit ainsi sa communauté de lecteurs au fil du temps et des réactions des lectrices. 


Fort de son succès, elle décide en 2011 de publier son premier roman à compte d’auteur chez Writers’ Coffee Shop, un éditeur basé en Australie. Le succès est instantané : elle vend 25 millions de copies en 4 mois (copies papier et e-books) !

Fifty Shades of Grey devient ainsi le premier livre à avoir vendu 1 million de copies sur Kindle.


Comment expliquer ce succès ? Tout d’abord, on trouve dans la marque Fifty Shades of Grey des personnages archétypaux, mais surtout, le sexe raconté d’un point de vue féminin.

Dans cette trilogie qui a généré jusqu’à maintenant des revenus de 95 millions $ à l’auteure en 2012 uniquement, le héros principal, Christian Grey (Jamie Dornan)  est un homme riche, beau et expérimenté. Il conduit une Audi, possède un penthouse, un hélicoptère et une garde-robe à rendre jalouse n’importe quelle femme. De son côté, Anastasia Steele (Dakota Johnson) est une fille inexpérimentée et un brin naïve.

Pour maximiser les chances de réussite du lancement du film Fifty Shades of Grey, Universal Pictures et Focus Features ont payé 5 millions $ pour les droits du film. 


La stratégie à adopter pour le lancement du premier film a nécessité 3 ans de travail acharné afin de comprendre ce que le public cible veut voir.

On voulait comprendre le succès de ces trois livres qui, pour plusieurs, sont particulièrement redondants et mal écrits. Conclusion de ce long travail d’analyse : il faudra utiliser la stratégie pelures d’oignon pour maintenir l’intérêt des cinéphiles.

Afin de ne pas trop choquer certains cinéphiles que le BDSM pourrait rebuter, Universal a donc adopté une stratégie « par ordre croissant», ceci afin de titiller et de maintenir l’intérêt pour la sortie du film.

Concrètement,  sur le plan des relations publiques, cela signifie qu’on a donné l’information à la pièce pour assurer et maintenir l’intérêt des fans. Ainsi, la machine à rumeurs média a souvent laissé un doute dans l’esprit du lecteur afin de susciter l’intérêt des fans avec des photos spectaculaires diffusées au compte-gouttes.

Évidemment, on ne manque jamais de mentionner que le film Fifty Shades of Grey est peut-être un peu trop osé pour les plus jeunes – il a reçu la cote R aux États-Unis mais pourra être vu par les enfants de 13 ans en France… Un vieux truc qui garantit bien sûr l’intérêt des différents publics !

Un moyen d’attirer l’attention car selon la critique, 20 % du film seulement repose sur le sexe – le producteur prétend plutôt que 50 % est consacré à des scènes osées ! Qui dit vrai ?

Dans le même sens, sur le plan publicitaire, la première campagne de publicité imprimée utilisait le noir et blanc. De son côté, la campagne d’affichage plus récente montre Dakota Johnson (Anastasia Steele) dans une pause suggestive avec la mention « Curieux ? ». 

À l’instar du film Hunger Games, dans la publicité, on emploie des citations célèbres des romans tel que « Monsieur Grey va vous voir maintenant ». On cible des séries télévisées susceptibles de rejoindre massivement des femmes comme Scandal.

Mais à l’évidence, le succès de Fifty Shades of Grey repose au final sur une extraordinaire machine de marketing s’appuyant sur le marketing web.

Conscient de la diversité des publics – de leur âge en particulier – on retrouve entre autres sur la bande sonore les Rolling Stones et Beyonce. Cette dernière à d’ailleurs joué un rôle important dans la stratégie Instagram du film.

À l’ère d’Internet, l’opération marketing d’Universal a aussi misé sur l’utilisation des médias sociaux comme Facebook (7.3 millions de fans sur la page destinée au phénomène Fifty Shades of Grey) et Pinterest dont 71 % de l’auditoire est féminin.

Sur Twitter, 86 % des 490 000 messages reliés au film lors de la dernière semaine étaient l’œuvre de femmes (un chiffre supérieur à Hunger Games) et 65 % de ces mentions étaient positives.

Après tout, la marque Fifty Shades of Grey de Madame James doit son succès initial au marketing internet, aux médias sociaux, aux blogues et aux sites de nombreuses admiratrices dont DivaMoms.com. Il faut se souvenir que c’est suite à cette folie de marketing viral que le géant Random House a fait éventuellement l’acquisition des droits du roman.

Sur le site lié à la promotion du film, il est possible de poser sa candidature pour devenir une employée de Grey Enterprises… mais en réalité, en remplissant un court questionnaire, on s’abonne à une liste d’envois afin d’être tenu informé des derniers développements liés au lancement du film. Génial !

Par ailleurs, on peut retrouver sur YouTube la bande-annonce originale lancée le 24 juillet 2014. L’an passé, cet pub a été vue 93 millions de fois sur YouTube seulement (100 millions de fois en une semaine si on additionne tous les supports sur lesquels se retrouvait la bande-annonce originale).

Plus récemment, une nouvelle bande-annonce a été vue 7 millions de fois ! C’est sans compter le Today Show de NBC qui a eu l’exclusivité des images sur le plateau et un concours destiné aux fans du film.

Au-delà des chiffres de vente des livres, le succès de Fifty Shades of Grey se mesure par le nombre de produits dérivés sur lesquels on retrouve les héros ou les logos : vin rouge et vin blanc, produits de beauté et bien sûr, jouets sexuels.

Dans ce qui promet d’être une recette mille fois copiée, cette stratégie de relations publiques a permis à Fifty Shades of Grey de générer des pré-ventes aux guichets qui dépasseraient celles de plusieurs autres blockbusters dont Hunger Games.

Évidemment, la vente de romans a facilité les choses en préparant le terrain. Depuis le lancement du premier roman de la trilogie, les 3 romans de la série se sont écoulés à plus de 100 millions d’exemplaires (copies e-books et imprimées).