Ashton: comment une marque locale devient le leader de la poutine

Marketing

La chaîne de restauration rapide Ashton, reconnue pour sa poutine, se lance dans la vente de franchises et veut devenir le leader de la poutine au Canada, rapportent Diane Tremblay dans le Journal de Québec et Annie Lafrance du quotidien Le Soleil.

Cette initiative marque un tournant majeur dans la stratégie de développement de la marque qui compte aujourd’hui 23 restaurants.

Pour comprendre la trajectoire actuelle de la chaîne Ashton, il est essentiel de se pencher sur son fondateur, Ashton Leblond, lequel a fait l’objet il y a quelques années d’une biographie écrite par Sonia Reid. Dans ce livre, le fondateur des restaurants Ashton donnait sa recette à succès:

1. Faire preuve d’audace 
Ashton Leblond n’a que 20 ans et aucune expérience lorsqu’il décide d’acheter son premier resto – une roulotte. Il n’hésitera pas à payer cinq mille dollars (ce qui correspondrait en 2017 à environ 35 mille dollars) à 20 ans pour sa première roulotte

2. Se concentrer sur la qualité des équipements 
Dès la prise de possession de la roulotte, Ashton Leblond constate que certaines pièces d’équipement sont désuètes, notamment le poêle au gaz. Sa vision de la qualité est déjà ancrée en lui. Par la suite, ce sera d’ailleurs sa marque de commerce.

Toujours en quête d’amélioration, il est souvent l’un des premiers à essayer les nouvelles technologies et le nouveau matériel, des caisses enregistreuses électroniques jusqu’aux caisses informatisées actuelles reliées à des écrans en cuisine. 

3. Se donner un nom distinctif 
Après quelques mois d’opération, Ashton appelle son snack bar « Ashton snack bar ». Si les mots snack bar sont familiers à l’oreille des clients, le nom Ashton ne l’est pas du tout.

Lorsqu’Ashton leur explique qu’il s’agit de son prénom, les gens sont surpris. Quel drôle de prénom, tout de même ! Jamais ils n’avaient entendu un tel prénom. Ashton, lui, en rit. Alors qu’il en fut si longtemps gêné, il commence à être fier de ce nom qui le démarque.

Plus tard, une nouvelle réglementation concernant la langue française et l’affichage le force à changer le nom de son commerce. Le choix de Chez Ashton s’impose pour remplacer « Ashton snack bar » et dorénavant c’est à ce nom qu’on reconnaîtra les restaurants d’Ashton.   

4. Se donner un positionnement 
Dès le départ, Ashton cherche un produit par lequel il pourrait se démarquer de ses concurrents. Selon lui, offrir un produit unique est ce qui lui permettra d’y parvenir. En 1972, il entend parler pour la première fois d’un mets différent: la poutine! Un restaurateur l’offre déjà en Estrie et Ashton s’y rend pour constater de quoi il en retourne.  

Le public adopte définitivement la poutine qui devient le produit vedette de son commerce au bout de six ans. Pendant trois ans, il est le seul poutinier de la ville de Québec.   

 

5. Investir sur le service à la clientèle 
Le service à la clientèle doit être impeccable. La courtoisie et la rapidité du service deviennent des éléments clés de son modèle d’affaires.

Sa recette pour un service à la clientèle de qualité se résume ainsi : QSP, l’abréviation de Qualité-Service-Propreté, trois mots qui résument à eux seuls toute la philosophie de l’entreprise.

Il veut offrir des mets délicieux préparés avec des aliments frais de qualité. Jamais, il ne lésinera sur le goût et la fraîcheur.

L’un des aspects du génie d’Ashton Leblond est sa constante recherche du service le plus rapide et le plus efficace qui soit. Graduellement, il a conçu un système efficace et des équipements adaptés.

À l’époque, les commandes des clients étaient notées à la main. Il sait que les opérations en sont parfois retardées et que le service à la clientèle en souffre, ce qui est inacceptable.

À force de se creuser la tête, il invente un nouveau système: un code de lettres. Ainsi, hot-dog devient HD, hamburger devient H et un cheeseburger se lira CH. Quant aux garnitures, dorénavant R signifie relish, M moutarde, K ketchup, Y mayonnaise, O oignons et OF oignons frits. La prise de commandes est accélérée.

La propreté des lieux, tant en cuisine et en salle à manger que dans les toilettes, est hautement surveillée. Que ce soit chez lui ou dans l’un de ses établissements, il est inacceptable que la propreté soit négligée ou douteuse.

Chacun connaît son rôle et demeure à son poste, s’acquittant adéquatement de ses propres tâches : une personne à la caisse et à la prise de commandes, une personne aux frites, une autre à la cuisson et une dernière aux garnitures.   

6. Réfléchir au marketing de la marque 
Au Collège, Ashton s’est lié d’amitié avec le représentant de l’un des fournisseurs, la Boulangerie Simard. Le slogan de la boulangerie, qui plaît beaucoup à Ashton, est «Si bon, si frais, Simard». Ashton Leblond portera plus tard une grande attention à ses propres slogans.

Ainsi, son slogan « Allez-y, gâtez-vous! Chez Ashton, juste du frais, juste du vrai!» invite les gens à se faire plaisir tout en leur rappelant que chez lui, la qualité et la fraîcheur sont au rendez-vous.

En 1994, en collaboration avec une agence de publicité, il met sur pied une promotion originale pour augmenter l’achalandage durant le mois de janvier, le plus tranquille en restauration.

Il propose un rabais sur son plat vedette, la poutine, selon les variations de la météo : c’est le «rabais météo», comme on l’appelle à l’interne. Ainsi, si la température est de moins 15 C°, le client obtient 15 pour cent de rabais sur la poutine.  

Le succès de la promo n’est pas instantané, loin de là. En fait, il faudra une dizaine d’années avant que la promotion connaisse un réel succès.

7.  Simplifier le menu
Le menu Chez Ashton se compose aujourd’hui de frites et poutines, de burgers, d’assiettes sauce, de sandwichs rosbif, de hot-dogs, de pains à la viande, de guedilles, du Club Ashton et d’une salade. 

Malgré la progression continue de sa compagnie, Ashton a le génie de ne pas déroger de son menu. Bien des chaînes autour de lui tentent d’intégrer de nouveaux mets au gré des tendances du marché, comme de la pizza ou des mets végétariens. Ashton sait qu’implanter un nouveau mets coûte cher, parce que cela exige souvent l’achat de nouveaux équipements ou de nouveaux produits.   

8. Jeter un coup d’œil sur la compétition 
Tout au long de sa carrière, Ashton visite ses concurrents et s’efforce d’offrir une variété de mets à des prix concurrentiels.   

9. S’ajuster à la clientèle 
Avec autant de nouveaux restaurants dans des quartiers très différents les uns des autres, Ashton doit rapidement s’adapter. Il ne peut pas s’en tenir à des heures d’ouverture uniformes pour toute la chaîne.

Constatant que les jeunes gens sortent dans les bars et les discothèques de la Grande-Allée jusqu’à très tard dans la nuit, Ashton décide d’ouvrir le soir jusqu’aux petites heures du matin.

10. Prendre des risques stratégiques
Faire croître une marque implique souvent de prendre des risques stratégiques. Ce processus peut inclure l’exploration de nouveaux marchés, l’introduction de produits innovants ou l’adoption de stratégies de marketing audacieuses.

À cet égard, les nouveaux propriétaires de la marque veulent amener Ashton vers de nouveaux sommets. Comme l’écrit Dominique Lelièvre, journaliste au Journal de Québec:

«Vingt mois après avoir été achetés par de jeunes entrepreneurs québécois, les restaurants Ashton modernisent leur image, introduisent des laits frappés et mettent le cap sur une expansion qui les amènera hors de la région de Québec. La célèbre enseigne connue pour ses poutines dévoile aussi une toute nouvelle identité, qui se décline par un nouveau logo.»

Pour s’assurer que la vente de franchises soit un succès, l’expérience de géants comme McDonald’s, PFK, Chick-fil-A, Taco Bell ou Wendy’s nous enseigne qu’il faudra suivre quatre étapes stratégiques:

  1. Sélection rigoureuse des franchisés: choisir des partenaires qui partagent la vision de la marque et possèdent les compétences nécessaires en gestion.

  2. Formation complète: offrir une formation approfondie aux franchisés sur les opérations, le service client, et le respect des normes de la marque.

  3. Support continu: fournir un soutien régulier en marketing, en gestion et en résolution de problèmes pour aider les franchisés à rester compétitifs et conformes aux standards.

  4. Contrôle de qualité: mettre en place des procédures strictes pour assurer la cohérence de la qualité des produits ou services à travers toutes les franchises.

Rappelons par ailleurs que les nouveaux propriétaires de la chaîne Ashton ont fait l’acquisition de La Banquise en 2023 et qu’ils ne ferment pas la porte à de nouvelles acquisitions. Une histoire marketing à suivre.

(Note : Ce texte est extrait de l’Infolettre marketing de Luc Dupont, diffusée par courriel chaque semaine. Dans cette newsletter, Luc Dupont propose une revue complète des actualités en marketing, médias, communication et publicité. Le cas échéant, certains articles sont repris ici ultérieurement. Pour vous abonner)