C-18: les choses se compliquent pour Google, Facebook et le gouvernement canadien

Nouveaux médias

Les développements s’accélèrent dans le dossier C-18, un projet de loi qui forcerait les géants du web à faire des ententes financières avec les médias canadiens pour l’utilisation de leur contenu.

En réponse au projet de loi C-18 proposé par le gouvernement canadien, The Globe and Mail nous apprenait la semaine dernière que Facebook menaçait désormais de bloquer les nouvelles canadiennes sur sa plateforme au Canada si le projet devenait une loi dans sa forme actuelle. C’est une tactique de négociation que Facebook à déjà utilisé dans le passé en Australie et en Espagne.

Quelques semaines auparavant, comme je le raconte dans cette entrevue avec Paul Arcand, on découvrait un peu par accident que Google avait décidé de réduire la visibilité des nouvelles canadiennes auprès de 4% des Canadiens en réponse à cette possible nouvelle loi.

Rappelons pour la petite histoire que le projet de loi C-18 au Canada s’inspire fortement d’une loi encadrant les médias sociaux voté en Australie en 2021. Ceci étant dit, le projet de loi canadien va beaucoup plus loin que la législation australienne:

  1. Champ d’application plus large : Le projet de loi C-18 couvre un champ d’application plus large que la loi australienne. En plus de s’appliquer aux éditeurs de presse, il couvre également les producteurs de contenu vidéo et audio en ligne. Cela signifie que les plateformes de médias sociaux devront négocier des accords de licence avec une gamme plus large de créateurs de contenu en ligne. Précisons à cet égard que plusieurs groupes de médias se sont déjà entendus avec les géants du web: Torstar, Postmedia et The Globe and Mail, entre autres.

  2. Droits de négociation : Le projet de loi C-18 accorde aux éditeurs de presse et aux créateurs de contenu en ligne un droit de négociation avec les plateformes de médias sociaux pour déterminer les modalités de la rémunération pour l’utilisation de leur contenu. Cela donne aux éditeurs de presse et aux créateurs de contenu en ligne un pouvoir de négociation plus important que dans la loi australienne, qui ne prévoit pas ce droit de négociation.

  3. Pénalités plus sévères : Le projet de loi C-18 prévoit des pénalités plus sévères pour les plateformes de médias sociaux qui ne respectent pas les dispositions de la loi, avec des amendes pouvant atteindre jusqu’à 10 millions de dollars pour une première violation et 15 millions de dollars en cas de récidive.

(Ce billet est tiré de mon infolettre marketing – pour s’abonner)

Cet imbroglio est d’autant plus important que Google et Facebook sont deux joueurs clés du web.

Facebook est la plateforme de médias sociaux la plus populaire au Canada avec 29,4 millions d’utilisateurs selon Statista, loin devant TikTok et Twitter.

De nombreux médias canadiens ont des pages Facebook. Dans celles-ci, ils publient des articles, des vidéos et des photos pour atteindre leur public. Et évidemment, de nombreux utilisateurs de Facebook partagent des nouvelles des médias canadiens sur leurs fils personnels. Autant de manière de générer des clics et donc, du trafic et des revenus publicitaires pour les médias d’ici.

De son côté, Google est le plus important moteur de recherche au Canada, selon Statista, devant Bing et Yahoo.

D’une part, cela signifie que les médias canadiens doivent s’assurer que leurs articles soient bien référencés sur Google, une condition sine qua non du clic. D’autre part, cela veut dire que les médias canadiens utilisent chaque jour Google pour augmenter leur visibilité en ligne et attirer des lecteurs vers leur contenu, des gens qui, autrement, n’auraient probablement pas vu/lu leurs nouvelles. À cet égard, qui dit Google, dit “porte d’entrée d’internet”.

En plus d’être une source de trafic importante pour les médias — la porte d’entrée — Google est aussi une plateforme centrale pour la publicité numérique. En effet, Google offre des services publicitaires en ligne aux médias canadiens, permettant aux éditeurs de presse de générer des revenus grâce à la publicité en ligne.

Autant de facteurs qui m’amènent à penser que le gouvernment canadien est condamné à trouver un terrain d’entente avec les géants du web — donc amender le projet de loi actuel — qu’il le veuille ou non.

Je précise que plusieurs autres pays évaluent présentement la possibilité d’imiter le Canada et l’Australie sur le plan législatif, dont les États-Unis et certains pays d’Europe, avec des conséquences potentiellement énormes sur les revenus et les dépenses des géants du web et des médias sociaux. Le Canada pourrait servir d’exemple…