Comment expliquer notre fascination pour la vie des gens riches et célèbres ?

Culture populaire

Je dois vous avouer que je suis renversé par l’intérêt que génèrent les frasques de Tiger Woods. Selon moi, plusieurs facteurs permettent d’expliquer notre obsession pour la vie des gens riches et célèbres :

1. Le voyeurisme
Aucune discussion sur l’industrie du potin ne peut commencer sans aborder le voyeurisme.

Notre fascination pour la vie des stars traduit le désir que nous avons tous de savoir comment peut vivre la vedette.

Le voyeurisme est relié au désir inconscient de voir comment les gens riches et célèbres vivent leur vie au quotidien et plus particulièrement, comment ils négocient avec une trajectoire instable : infidélités, problèmes financiers, problèmes de santé ou carrières en déclin. Les gens ordinaires sont alors invités à observer à distance et sans danger les réactions psychologiques et physiques des stars.

Les gens sont assoiffés de potins parce que la position du voyeur est, par essence, sadique. Il jouit de voir la star – celle qui a « réussi » – souffrir.

Dans le potin, tout tourne autour de l’engagement du voyeur. C’est l’histoire de gens « extraordinaires » que l’on observe jour et nuit.

2. L’évasion
L’industrie du potinage est marchande de rêves, d’argent, d’amour, de gloire et de célébrité ; elle repose sur des leviers universels : la beauté, le charme, le sex-appeal, l’admiration, l’aventure, l’évasion, la richesse, le raffinement, la classe, le prestige, un statut social.

Dans son livre intitulé The Loss of Happiness in Market Democracy, Lane rappelle que la société occidentale repose sur un paradoxe : malgré la prospérité économique, le désir de fuir la réalité se fait toujours sentir. À l’instar des soaps, le potin est une manière de s’évader du quotidien.

3. Le pouvoir
Les consommateurs de potins ont l’impression de détenir un certain pouvoir sur le sort des stars : ils peuvent symboliquement mettre fin à leur carrière. Ce faisant, le voyeur jouit d’un privilège : le droit perçu de vie ou de mort sur les célébrités. Cela nourrit l’illusion de pouvoir intervenir sur le destin des gens célèbres qui défilent dans un univers faussement réel.

4. La compétition
Le potin ressemble au sport. Le public prend plaisir à la victoire ou au déclin de certains aux dépens de d’autres. Il est clair que les amateurs du genre finissent par établir des relations symboliques avec les protagonistes qui sont similaires aux affiliations que l’on constate dans le monde du sport professionnel : « crucifions un tel, laissons un autre tel tranquille ».

5. Des normes et des valeurs
À l’évidence, les stars incarnent des valeurs. Par exemple, Tiger Woods incarnait jusqu’à tout récemment « le bon père de famille » ; Madonna est « scandaleuse » ; et Angelina Jolie est « sulfureuse ». Nous nous identifions à eux dès lors qu’ils vivent des situations semblables aux nôtres : faire la lessive, passer une soirée entre amis, draguer, se faire tromper, etc.

6. Un sentiment d’unité, une grande messe
Le monde du potin recrée un monde commun alors que de nos jours, on vit dans des mondes séparés. Les gens se sentent en communion à discuter des derniers problèmes d’une star connue alors qu’ils sont seuls à la maison. Le potin permet ainsi d’assouvir des besoins sociaux qui ne sont plus pris en charge par une société faite de solitude et d’individualisme. En ce sens, il a remplacé à certains égards la religion dans nos vies.

7. L’interactivité
Depuis une dizaine d’années, le potin a changé de statut et il est devenu interactif. En fait, le renouveau de l’industrie du potin s’explique en partie à cause de l’interactivité.

Grâce à la webcam, on crée des liens étroits entre potineurs et stars. On peut épier les vedettes 24 heures par jour, au sortir d’un bar ou conduisant sa voiture dans Hollywood. Les sites Internet abritent aussi des forums de discussion et invitent les internautes à voter ou envoyer leurs photos de vedettes captées au hasard des déplacements de la vedette.

Ce qui est en jeu ici, c’est donc la disparition progressive entre vie publique et vie privée. En effet, le plaisir tient aussi à l’amusement de voir des individus « extraordinaires » dans des situations « ordinaires » (manger, faire l’épicerie, marcher dans la rue).

Il est certain que l’Internet « suggère » l’interactivité. Il donne aux utilisateurs l’impression d’être engagés et impliqués, en un mot, de participer activement. Cette possibilité d’interagir est l’une des clés des sites de potins sur Internet. Cette impression tranche avec les médias traditionnels tels que la radio et la télévision.


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