Le marketing des compagnies de croisières

Entrevues Luc Dupont
Après le naufrage du Costa Concordia, il m’apparaît opportun de se pencher sur l’industrie de la croisière ou, si vous aimez mieux, de ce qu’on appelle communément le marketing de la croisière, une industrie qui génère un chiffre d’affaires de 30 milliards $ annuellement. 

L’industrie de la croisière est un oligopole dominé par trois joueurs clés : Carnival, Norwegian Cruise Line (NCL) et Royal Caribbean. 

(Plus récemment, il faut ajouter à ce trio la firme Disney qui a fait l’acquisition de quatre paquebots afin de viser le marché des plus jeunes. En 2010, on estime que 1,6 million d’enfants ont fait une croisière avec papa et/ou maman, un marché fort prometteur). 

Comme je le mentionne en entrevue avec Gilles Parent du FM93, Carnival domine actuellement l’industrie de la croisière avec 50 % du marché, suivi par Royal Caribbean (24 % du marché / 7 des 10 paquebots les plus grands du monde dont l’Allure of the Seas et l’Oasis of the Seas, deux bateaux deux fois plus longs que le Titanic et qui contiennent jusqu’à 8500 personnes chacun) et Norwegian Cruise Line ou NCL avec 8 % du marché. 

Le géant Carnival, le Coca-Cola de l’industrie de la croisière, a été fondé par Ted Arison en 1972. La firme compte aujourd’hui 65 000 employés et opère sous 10 marques différentes, dont Carnival, Princess, Holland, Costa et Cunard. 

Dans les faits, Arison et Knut Kloster (de Norwegian Cruise Line) sont à l’origine du marketing de la croisère, un repositionnement qui sauvera l’industrie de la croisière de la faillite dans les années 60 et 70. 

Fait à noter, Arison et Kloster étaient des partenaires lors de la création de Norwegian Cruise Line avant de se séparer sur un différent monétaire. Ces deux génies de l’industrie comprennent intuitivement qu’avec l’arrivée de l’avion à réacteur au début des années 60, la croisière transatlantique est un produit en voie de disparition.  

Dans ce contexte, ils mettent au point la recette marketing du futur. L’industrie de la croisière reposera dorénavant sur le divertissement, ce qu’Arison appellera les « Fun Ships » sur lesquels on retrouvera tantôt golf, patinoire, piste de jogging, carrousel, bars, salles de spectacles, gymnase, cinéma, librairie, piscine, spa, casino, terrain de basketball, etc. 

Arison initiera aussi la pub TV en 1984, aidé en cela par l’émission de télévision Love Boat mettant en vedette un paquebot de Princess, une entreprise qui sera éventuellement acquise par Carnival.

Pour assurer un flot continu de clientèle et de revenu, Arison et Kloster comprennent qu’il faudra également démocratiser la croisière et s’assurer que la classe moyenne puisse monter à bord. Car une fois sur le bateau, tous les espoirs de dépenses sont évidemment permis…

Depuis 2000, 13 à 15 millions de clients sillonnent les mers du globe sur un navire de croisière, en moyenne chaque année (21 millions de voyageurs en 2010 grâce aux 100 nouveaux bateaux construits depuis 2000). 

Au dernière nouvelle, l’industrie croît au rythme de 5 % par an. Statistiquement, plus de 80 % de la clientèle est Américaine avec une moyenne d’âge de 48 ans et un salaire moyen de 109 000 $. 

Bien sûr, il sera intéressant de voir si le naufrage du Costa Concordia aura un impact à long terme sur l’industrie, ce dont je doute fortement. Mais comme je le mentionne en entrevue à Diane Tremblay, journaliste au Journal de Québec, l’image de la croisière, forme sécuritaire de divertissement, est peut-être en mutation. Et parions que pour un temps, la course au gigantisme va ralenir.