Quand les footballeurs se rebellent contre les commanditaires

Commandite

Ce sont des clips qui ont fait le tour du monde. Coup sur coup, durant les conférences de presse, Ronaldo et Paul Pogba éloignent ou font disparaître des bouteilles de Coca-Cola ou de Heineken.

Pour les deux commanditaires qui ont payés autour de 60 millions $ pour s’associer à l’Euro 2020 (et pour les autres: Qatar Airways, TikTok, Vivo), c’est un cauchemar, d’autant plus que ce sont les joueurs qui se rebellent contre les marques. Le début d’un temps nouveau ?

Officiellement, le placement de produit a débuté avec le film E.T. lorsque Steven Spielberg a persuadé la firme Reese’s Pieces d’utiliser quelques bonbons chocolatés dans une scène clé du film. Après le lancement du film aux États-Unis, les ventes de bonbons de Reese’s Pieces augmentèrent de 70 % dans les deux mois qui suivirent.

Ceci dit, le placement de produit existait déjà en 1873 dans le roman Le tour du monde en 80 jours de Jules Verne, puis plus tard dans le film The Garage, en 1919, mettant en vedette Fatty Arbuckle. 

Au Québec, le placement de produits a fait des miracles pour la pétrolière Ultramar. Aux prises avec des problèmes d’image en 1986, Ultramar décida de s’impliquer à fond dans le tournage de la saison initiale de la série Lance et Compte. Après la première diffusion de ce qui allait devenir une série culte au Québec, la perception d’Ultramar changea pour le mieux.

Les pleins d’essence répétés de Pierre Lambert chez Ultramar avaient fini par changer l’opinion que les Québécois avaient de la pétrolière. La pétrolière avait payé 700 000 $ pour commanditer 12 émissions. À la suite de ce placement, la notoriété et le capital de sympathie d’Ultramar explosèrent.

Dans le meilleur des cas, cette intégration de la marque au contenu médiatique permet de bâtir la mémorisation du produit, de rejoindre un auditoire captif, d’éviter le zappage et bien sûr, de façonner à plus long terme l’attitude et l’image de la marque. Sans surprise, le placement de produit est devenu un mode important de communication.

Évidemment, comme c’est le cas avec la publicité au sens strict, il faut toujours évaluer le coût d’une intégration, la valeur d’une intégration et s’assurer que l’intégration respecte les personnages. Et dans les deux cas qui nous intéressent (Coca-Cola et Heineken), l’association avec les marques (ou ‘partenaires’ comme les appellent l’UEFA) peut poser problème sur le plan image. Mais c’est oublié le rôle central des dollars commandites pour les pays et les ligues à l’échelle européenne.

La commandite est un autre phénomène de communication qui permet de contourner le zapping et le zipping. « Les commandites représentent une source de revenus de plus en plus importante pour les diffuseurs », écrit Marie-Claude Ducas. À titre d’exemple, dans le monde du sport, le montant d’une commandite aux Jeux olympiques d’Athènes s’élevait à 50 millions de dollars américains en 2004. Les Jeux olympiques de Vancouver en 2010 et de Londres en 2012 ont généré des revenus totaux de commandite de l’ordre de 1 milliard de dollars. En comparaison, les revenus totaux de commandite aux Jeux de Montréal s’élevaient à 7 millions $. 

Ceci étant dit, les effets de la commandite sont nombreux et parfois spectaculaires. Lors de la première diffusion de l’émission Star Académie, en 2003, les commandites de Toyota et de Maybelline ont fait sonner la caisse enregistreuse. Les étagères de produits Maybelline ont été attaquées par des consommatrices déchaînées. La commandite de Maybelline reposait sur les panneaux d’ouverture et de fermeture, un site web de Star Académie, un concours et des séances de signature avec les candidats éliminés.

Une variante de la commandite consiste à acheter le nom d’un édifice, d’un stade ou d’un amphithéâtre. En 2011, Videotron a accepté de payer 1,3 million $ par an sur les 25 prochaines années (2,5 millions $ par an si Québec obtient une équipe de la LNH) pour le nom du nouvel amphithéâtre à Québec ; et l’amphithéâtre de Trois-Rivières porte le nom d’Amphithéâtre Cogeco.

En 2002, Bell a acheté les droits du nom du Centre Molson en payant 100 millions de dollars sur 20 ans. En plus d’avoir son nom sur la façade de l’édifice, on retrouve le nom de Bell à plus de 1 000 endroits à l’intérieur de l’édifice. Cette association avec les Canadiens permet à Bell de profiter du capital de sympathie du Tricolore et de positionner Bell comme un leader dans son domaine. Pendant un match de hockey, on estime que le logo ou le nom de Bell est vu ou entendu à 250 reprises.