Sur l’importance de développer de nouveaux outils de mesure des cotes d’écoute dans le monde de la radio

Radio

Comme vous le savez sans doute, le sondage Numeris de l’hiver 2023 pour la radio a été publié il y a quelques jours. Évidemment, ces résultats de cotes d’écoute jouent un rôle crucial dans le monde de la publicité, autant pour les stations de radio que pour les annonceurs et les agences de communication-marketing.

Et pourtant, malgré leur importance et comme le rappelle le journaliste Mario Girard dans un article intitulé À quand un vrai portrait, Numeris ne tient toujours pas compte des nouvelles façons de consommer du contenu radiophonique—les émissions en mode rattrapage, entre autres.

Ce délai à corriger le tir dans le monde de la radio est d’autant plus étonnant que «chez Numeris, écrit Mario Girard dans La Presse, on m’a dit qu’il ne serait pas difficile d’un point de vue technique de créer un système semblable à celui qui est déjà utilisé (dans certains marchés canadiens) pour mesurer l’écoute télé. Grâce à la fusion de plusieurs méthodes de calcul, on arrive à brosser un portrait plus juste des auditoires multiplateformes.»

Qu’est-ce qu’on attend alors pour se mettre à jour dans la mesure des cotes d’écoute en radio? Le monde des médias et de la publicité connaît en effet ces derniers temps de profonds changements qui obligent les firmes de mesure des auditoires à s’ajuster dans l’intérêt de tous et chacun:

  1. La consommation des médias: les modes de consommation de contenu médiatique ont considérablement évolué au fil des ans, passant des canaux traditionnels comme la radio terrestre à des plateformes de podcasts en ligne, des applications comme TuneIn Radio, l’écoute sur internet ou la radio satellite. Les méthodes traditionnelles de mesure des audiences ne prennent souvent pas en compte ces nouvelles formes de consommation de contenu, ce qui peut biaiser les données sur les audiences et rendre difficile le travail des annonceurs et des publicitaires.

  2. La fragmentation des auditoires: les audiences sont de plus en plus fragmentées, ce qui signifie qu’il est plus difficile pour les annonceurs d’atteindre un public large et homogène. De nouvelles méthodes de mesure des audiences doivent donc être développées pour mieux comprendre comment les publics sont atteints sur les différentes plateformes: en direct, mode rattrapage intégrale ou à la pièce, etc.

  3. Les attentes des annonceurs: Les annonceurs s’attendent à des données précises et fiables sur l’audience pour prendre des décisions stratégiques en matière de publicité. Les méthodes de mesure des audiences doivent être suffisamment précises pour fournir des données fiables sur les audiences, sinon les annonceurs pourraient hésiter à investir dans la publicité, spécialement du côté des médias traditionnels.

  4. L’évolution des modèles économiques: Les modèles économiques des médias ont évolué, passant des revenus publicitaires traditionnels à des modèles de paiement à l’utilisation ou d’abonnement. Les nouvelles méthodes de mesure des audiences doivent prendre en compte cette nouvelle réalité, d’autant plus que Netflix, HBO Max et Disney+ se sont lancés récemment dans la vente de publicité. À cet égard, Netflix compte maintenant plus de 1 million d’abonnés à son nouveau service avec publicité, selon Bloomberg. Fait à noter, la plupart des nouveaux clients de ce forfait avec publicité de Netflix sont de nouveaux abonnés et non d’anciens abonnés séduit par le nouveau forfait, un détail significatif.

(Cet article est tiré de l’infolettre marketing de Luc Dupont. Pour lire ou s’abonner)

Cette lenteur à réagir est d’autant plus étonnante que pour connaître la cote d’écoute d’une station et d’une émission, les annonceurs doivent impérativement se référer aux sondages radiophoniques.

Dans les plus petits marchés radio, pour des raisons financières, les sondages se font toujours par cahier d’écoute. Ces données sont alors compilées et utilisées afin de produire les rapports d’auditoires, qui sont publiés deux fois par année.

Dans les plus gros marchés canadiens radio, Numeris mesure l’auditoire avec un Portable People Meter (PPM). Le PPM est un dispositif de mesure d’audience passive de la taille d’un petit téléphone cellulaire ou d’un téléavertisseur. Il permet de suivre l’exposition des consommateurs à la radio. Initialement, le PPM a été conçu par Arbitron, une entreprise basée aux États-Unis.

La première génération d’appareils (set meter ou audimètre) se contentait de mesurer une audimétrie foyer. Aujourd’hui, la majorité des systèmes procèdent par reconnaissance active autorisant une audimétrie par individu, peu importe l’endroit où vous êtes : maison, voiture, travail, durant vos amplettes, etc.

En radio, l’adoption de l’audimètre avait entraîné au Québec et au Canada des changements importants de cotes d’écoute pour plusieurs stations.

Si on compare les mesures par audimètre et par cahiers d’écoute: «il semble que les cahiers d’écoute sous-évaluent l’auditoire le matin et en fin de soirée, et le surévaluent entre 19 heures et 23 heures», nous disait Pierre Arthur(1), alors vice-président de BCP Stratégie Créativité.

«En cahier, la moyenne de stations écoutées varie de 2,1 à 2,3, selon le groupe d’âge, indique Sylvie La Salle (2), vice-présidente et directrice de Saint-Jacques Vallée. Avec le PPM, la quantité est deux fois plus élevée, soit de 4,6 à 5,2 stations. (…) L’autre surprise est la présence plus élevée des adolescents et des 18-24 ans.»

Par ailleurs, comme je l’écrivais dans Comment bâtir sa stratégie média et publicité, il semble que les gens surestiment leur écoute d’émissions d’affaires publiques sur les cahiers d’écoute et sous-estimaient leur écoute d’émissions de divertissements.

Autant de facteurs qui confirment que la manière de mesurer les cotes d’écoute joue un rôle clé dans les résultats de sondage radiophonique. Autant de raisons qui militent en faveur de nouveaux outils pour mesurer l’écoute multiplateformes de la radio.

 

(1) Arthur, Pierre (1990), « Bienvenue aux audimètres », Info Presse Communications, juillet-août, p. 30.

(2) Chouinard, Marianne et Marie-Claude Ducas (2009), « À l’écoute », Infopresse, octobre, p. 19.